mercredi 28 décembre 2011

Chants et Danses Au Temps de Graffen Walder - Lyriques

Quand nous disons "Très prochainement", ce ne sont point de vains mots : Quelques six mois après, voici les textes !

Merci à Giscard Le Survivant pour la relecture.

Le Seigneur Des Mouches
       
Petit Fanou, fou petit faon,
Capture de ses mains l’insecte bourdonnant,
D’un sourire sadique, du haut de ses six ans,
Mets la mouche dans la jatte qu’il secoue doucement.
       
Petit Fanou, fou petit faon,
S’éloigne en chantonnant vers les bois du Ponant
Et il parle à la mouche d’une petite voix d’enfant
Lui parle de sa grande sœur, de papa, de maman.
       
Petit Fanou, fou petit faon,
Gambade vers une clairière et dans l’herbe s’étend,
La jatte à bout de bras vers le soleil couchant,
Puis en ôte le couvercle, plonge sa main dedans.
       
Petit Fanou, fou petit faon,
Arrache l’aile droite de l’insecte impuissant,
Puis l’aile gauche et les pattes, c’était bien trop tentant
De le réduire en larve tout en le mutilant.
       
Et le Seigneur Walder surgit hors des fourrés,
Il est grand il est beau sur son fier destrier,
Fait à l’enfant : « Faquin, tu vas me le payer,
Sur mes terres sans vergogne, tu t’en viens braconner ! »
       
« Où sont donc tes parents, sale petit effronté,
Que je leur dise en somme le fond de ma pensée ? »
Fanou reste muet devant la majesté
Du seigneur à l’hermine qui lève haut son épée.
       
Quelques heures plus tard, le seigneur outragé,
Mets à sac un village, aidé de son armée :
« Que l’on tue tous les hommes, que l’on viole les femmes,
Chaque prétendu parent du garçonnet infâme ! »
       
Son forfait accompli, il débouche une bouteille,
D’un sémillant breuvage d’une couleur vermeil,
En boit force rasades et la jette aux orties,
Près de deux cents manants gisent morts devant lui.
       
Petite Fanette, petite fleur muette,
Dans les vertes prairies s’en allait faire cueillette.
Mais au hasard des routes, sur un chemin de terre,
Elle croise dix spadassins, dix virils mercenaires.
       
« Holà petite fleur, tout fraîchement éclose,
Chacun de nous veut voir ton petit bouton rose,
Le forcer mille fois, le forcer à l’envi,
Et vider nos pharettes en ton conet joli ».
       
Et le Seigneur Walder surgit hors des fourrés,
Il est grand, il est beau, sur son fier destrier,
Fait aux hommes : « Marauds, qui donc viole en mes terres
Subira le Fléau de ma juste colère ! »
       
« Où donc est votre chef, qui commande ces armées,
Que je lui dise en somme le fond de ma pensée ? »
Les hommes restent muets devant la majesté
Du seigneur à l’hermine qui lève haut son épée.
       
Le seigneur victorieux s’approche de Fanette,
Quérir sa récompense, dénoue son aiguillette :
« Petite paysanne, j’ai sauvé ton honneur,
Donne-moi ton bouton, j’épargnerai ta fleur ! »
       
Son forfait accompli, il débouche une bouteille,
D’un sémillant breuvage d’une couleur vermeil,
En boit force rasades et l’enfonce dans l’huis
Du corps de l’enfançonne qui gît nu devant lui.
       
Puis le Seigneur Walder rentre seul au Château,
Sa belle Claire l’accueille, lui ôtant son manteau :
« Comment donc s’est passé cette radieuse journée ? »
« Ma bonne claire, répond-il, je vais vous raconter… »
       
« J’ai rendu la justice en mes terres aujourd’hui,
Un braconnier infâme de mon glaive j’ai puni… »
Concluant sa tirade d’un profond rôt poli,
Il manque de trébucher, se reprend et poursuit :
       
« J’ai ensuite déjoué une conspiration,
Ourdie par mes sujets, une vraie rébellion…
Dix malandrins ensuite, voulaient du pucelage
D’une jeune donzelle faire bien triste ouvrage »
       
« Et d’un seul coup d’épée, je les ai tous occis,
La belle, reconnaissante, m’a offert son parmi… »
Claire étonnée demande à son mari fin saoul,
Où sont donc ses hommes, et Fannette et Fanou…
       
« Ce matin à la fraîche, vous partîtes pique-niquer,
Avec vos deux enfants, en lisière de forêt,
Avec dix de vos hommes pour vous accompagner,
Pourriez-vous donc me dire où sont-ils tous passés ? »
       
Il est des jours parfois où à force de boire,
Même les plus puissants ont des pertes de mémoire.
Point ne vous effrayez, gentes dames et seigneurs,
Ces moments-là, forts rares, sont tout à votre honneur.

(Le Saumon De La Connaissance)
       
       
L’Oiseau de Malheur
       
Il était une fois, dans un pays de misère
Une ferme dans un champ, deux fermiers, trois enfants
Des trois seule la puînée est restée sur ces terres
Pour veiller sur sa mère quand son père est aux champs.
Car la mère est malade et se tord de douleur
D’un mal fort mystérieux dans un lit d’ordalie
       
Et le père nuitamment chasse l’oiseau de malheur
Qui de mauvaise fortune fait un bien triste nid.
Chaque jour que Dieu fait, sur sa porte clouée,
Différents volatiles expient donc bruyamment
Mille et un maléfices et supposés péchés
Qui rendent terre stérile et navrent les mamans.

Lise quitte sa ferme, s’en va quérir un prêtre,
Pour sa mère qui se meurt, malencontre un brigand,
Une horde de parias qui n’a ni Dieu ni maître,       
Qui parcourt la contrée mutiler des enfants.
La fillette se débat, sitôt les rires fusent,
« Que comptais-tu trouver dans les bois du Ponant ?
Peut-être quelque hibou, quelque chouette, quelque buse ? »
« Juste un simple curé pour bénir ma maman !... »

Le plus gros de ces hommes aux allures de boucher,
Au tablier de cuir comme maculé de sang,
Saisissant la fillette, d’un couteau effilé,       
L’excise jusqu’aux oreilles d’un sourire permanent.
Les sous-bois bruissent et coassent jusque dans la futaie
Retentissent les échos d’un terrible hurlement.
La douleur d’une enfant aux joues ensanglantées
Fait s’enfuir les corbins, les hiboux, les milans.

Les oiseaux affolés ou bien plein de colère
Attaquent les malandrins de leurs becs, de leurs serres
La fillette s’enfuit dans la neige et le froid
Derrière elle les loups semblent être aux abois,
Un vieil homme, un ermite, qui passait par ici,       
Remarque aux pieds d’un arbre l’enfançonne transie,
Il la prend dans ses bras, délaissant sa cueillette,
Remarquant sa blessure, maudit l’engeance, la bête.

Responsable entre toutes de pareille barbarie
L’homme seul peut commettre de tels actes gratuits
Jusque dans sa chaumière, malgré ses pieds meurtris,
Il porte la malheureuse au visage ravagé
Il la bande, il la coud, ôte ses vêtements gelés
Et frictionne son corps d’un gallon d’eau-de-vie
Cette vieille bigote laisse tomber son fagot
Et s’en va au village comporter ses ragots
       
« Le vieux juif Salomon a pris dans ses filets
Une vierge, une enfant, une jolie donzelle,
Qu’il esnue proprement pour la défigurer
Ou, pire, la violenter par d’affreux rituels »
La rumeur se répand comme une peste maligne
Par-delà les villages, parmi les champs de vigne
Jusqu’aux murs de la ville où les foules amassées
Sentent gronder en eux la ferveur des croisés.
       
« C’est ce vieux pédéraste qui abuse des enfants
Les entraîne malgré eux dans les bois du Ponant
Comme la petite Mahaut disparue l’an passé
Ou le petit Guillemot qui s’est fait éborgner »
« C’est le vieux déicide qui a empoisonné le puits
Il a tué mes vaches, abusé de mes brebis ! »
« C’est un fléau sournois, tapi dans la forêt !
Allons chercher du bois, brûlons le vieux sorcier ! »

(Le Saumon De La Connaissance sur une idée de Trublion 23)

       
La Ballade des Enculés   
       
Tamponneurs qui cognez de gros culs
Pour avoir vidé les priapes :
Allez ailleurs planter votre poinçon !
Fellateurs, vous êtes de faux passifs :
Bérard-le-fourbe s'en va chez les pigeons
Et biberonne ceux qu'il a trompés.
Mes frères, ayez la bouche engluée de résine,
Puis sabrez les derrières fessus !
       
Si on vous écluse la grappe,
Aussitôt vous éclipserez dans votre cul la poutre et le gland
De ces loubards aux lèvres poissées par votre sperme
Pour qu'ils vous bourrent.
Vous aurez le train qui vous sifflera,
Vous serez sur un bout et non pas enfoncés dans un séant.
Pour cette raison, protégez-vous de leurs griffes
Au fond de ces gros derrières fessus.
       
Les niais qui seront attrapés
S'englueront bientôt le pénis de sperme à cause d'un tarissage.
Que vous happiez une bite ne vaut pas mieux :
La baudruche pousse alors d'équerre
Quand le gosier est assiégé
Il fait s'étirer l'antenne,
Et ensuite elle heurte à votre guichet
A l'assaut des derrières fessus.
       
Prince des baiseurs : Sucez les plantoirs,
Pour que votre pilon ne soit pas branlé
Sur le soupçon de vouloir cogner dans un cul.
Fuyez les derrières fessus !

(Maistre François Villon)

       
Le Sorcier Des Bois Du Ponant
       
Quand la fureur, qui bat les grands coupeaux,       
Hors de mon coeur l'Olive arrachera,       
Avec le chien le loup se couchera,       
Fidèle garde aux timides troupeaux.       
       
Le ciel, qui voit avec tant de flambeaux,       
Le violent de son cours cessera.       
Le feu sans chaud et sans clarté sera,       
Obscur le rond des deux astres plus beaux.       
       
Tous animaux changeront de séjour       
L'un avec l'autre, et au plus clair du jour       
Ressemblera la nuit humide et sombre,       
       
Des prés seront semblables les couleurs,       
La mer sans eau, et les forêts sans ombre,       
Et sans odeur les roses et les fleurs       

(Joachim du Bellay)
       
       
Dedans la Forêt
       
La sorcière rôde dedans la forêt mon fils,
Elle va t’attraper
Elle te mettra à cuire dans son grand chaudron mon fils,
Tu rôtiras tout vif   
Avec son long nez et ses grands doigts crochus mon fils,
Elle va te manger
       
Daniel, mon fils,   
Dehors il fait si froid   
Daniel, mon fils,   
Reste auprès de moi   
       
Le grand ogre rôde dedans la forêt mon fils,
Il sent très mauvais
Il mesure treize pieds et il a deux têtes mon fils,
Il est tellement laid
D’une seule main, il te broiera en une boule qu’il
Gobera en grognant   
       
Daniel, mon fils,   
Reste auprès de moi   
Daniel, mon fils,   
Dehors c’est si dangereux
       
Les morts-vivants rôdent dedans la forêt mon fils,
Ils sont si nombreux
Ils souffrent d’être morts et ta chair d’enfant éveille-
Ra leur convoitise   
Ils te déchireront de leurs dents pourries et tu
Deviendras l’un d'eux   
       
Daniel, mon fils,   
Dehors c’est si dangereux
Daniel, mon fils   
Reste au coin du feu   
       
       
La Grande Putain rôde dedans la forêt mon fils
Prends bien garde à elle
Elle agitera ses deux grosses mamelles sous tes
Beaux yeux innocents   
Elle est cannibale et elle dévorera tout cru
Ton petit Jésus   
       
Daniel, mon fils   
Reste au coin du feu   
Chante une chanson   
Pour ta maman   
       
Graffen Walder rôde dedans la forêt mon fils
Il est si cruel   
Même le diable n’a pas voulu de lui et il
Est tellement furieux   
Avant de te hacher il abusera cent fois
Du trou de ton cul   
       
Chante une chanson   
Pour ta maman   
Ta pauvre maman   
Qui est si malade   
       
Ta pauvre maman   
Qui est si malade   
Sans toi, Daniel   
Elle mourrait à l’instant
       
Daniel, promets   
Que jamais t’en iras   
Quand je suis seule   
Daniel, j’ai si peur   

(Trublion 23)




Frémissements Quotidiens

à mon service
toutes mes servantes
se sont fait une raison
sous moi soubrette soulage-moi

souris-moi..


Et si tu marches sur ma couche
ne viens pas faire l'effarouchée
Si je t'implore, que tu me touches
quand je suis roide à rompre ma livrée

Sur la plus haute de mes branches
le Rossignol est affamé
il demeurera entre tes hanches
Quand bien même tu te seras pâmée

Et si tu cries si tu implores
Je redoublerai mes ardeurs
sur l'autel de ta morte pudeur
Je saurai gagner tes faveurs

Mon âme est ce petit animal
Qu'un gueux tente de bastonner
Ma mie, n'en soyez point affligée
Baisez sans crainte le gueux sur son pal

Je l'ai surprise dans son sommeil
Elle a voulu me repousser
Voyant mes attraits sans pareil
La belle tout entière s'est donnée

Elle est devenue pire qu'une chienne
Sans répit quémandait mes assauts
Puis elle voulut devenir mienne
Je l'ai offerte à mes chevaux
Je connus cette autre dans un bordel
C'était une esclave Sarrasine
Je la fis promouvoir maquerelle
Elle ne vit plus que pour ma pine

Comme me plaît votre indignation
Vous les fidèles maris trompés
Qui demandez réparation
Pour vos chairs maintenant vérolées

Demandez donc aux magiciens
Quand prendra fin cette obsession
Leur réponse est un cri du malin
Et je me joins à l'unisson

Jusqu'à ma lointaine agonie
à mon chevet les voudrai toutes
femmes et maîtresses en moi réunies
Le plaisir sera notre clef de voûte.
       

(Jacky-Moulasse Charcot)
       
Le Retour du Chevalier Beaumont Dit « Beaumont Le Fidèle »       
       
Me voilà de retour, femme, en mes terres et mon château ;       
Et qu’apprends-je, QU’APPRENDS-JE ??       

Mon absence ici ne fut qu’une suite de luxures et de débauches ;
Les pires libertins et les plus redoutés sycophantes de tout le royaume se succédèrent dans ma couche ;
Mes nobles ancêtres encadrés aux murs assistèrent impuissants aux plus abominables orgies en cette sainte demeure ;       
De misérables grouillots vidaient ma cave et urinaient sur mes précieuses soieries venues d’Orient ;       
Le Tout-venant t’a honoré de son membre viril ;
Redoute ma colère infâme ribaude !

De cette épée justicière, rougie par le sang de tant de païens, je t’ôterai ta vie corrompue.
Je couperai ton corps en fins morceaux desquels on se saura distinguer ceux qui ont parlé de ceux qui ont chié.
A genoux, femme.

(Trublion 23)

       
Que sont mes bouffons devenus ?
       
Que sont mes bouffons devenus ?
Où sont-ils tous passés ?
Où sont mes chapons en sauce ?
Où est mon cuisinier ?
       
Faites Sonner la harde !
Où est mon grand veneur ?
Où sont passés mes gardes ?
Où est mon confesseur ?
       
Où sont mes femmes et mes maîtresses ?
Qui donc me les a enlevées ?
Qui a fait cesser chants et danses ?
Ils étaient tant pour m'amuser.
       
Mes jongleurs, mes mignons, mes masseurs
Mes ours apprivoisés,
Mes conteurs, trouvères et bateleurs,
Mes précieux fellateurs,
Mes goûteurs, mon vieux juif, mon hibou,
Et ma chère petite soeur,
Qui les a tous chassés ?
QUI LES A TOUS CHASSES ???
       
Si me lève de mon trône,
Ma colère va tonner.
Quand j’ouvrirai mes yeux pour l’heure clos,
Que toute ma cour soit revenue.

(Trublion 23 / Le Saumon De La Connaissance)
       
       
Le Canard et le Ménisque de Saint-Eustache
       
Il était une contrée, à mille et une lieues,
Il était une forêt, presque oubliée de Dieu,
N’était-ce ce monastère abandonné près d’une mare,
En cette mare nageait un splendide canard.
       
Il était un curé, un homme en tous points pieux,
Qui était affligé, de ne trouver en ces lieux,
Qu’un pauvre monastère abandonné près d’une mare,
En cette mare nageait un paisible canard.
       
Derrière le monastère, il y avait un cimetière,
Peut-être même un trésor, à côté de la rivière.
Le Saint Homme de ses mains, le sol sacré creusa
Et pour seul trophée un ménisque trouva.
       
Le dévot rencontra un malheureux chasseur,
Qui ne trouvait point de gibier en ces lieux enchanteurs,
L’entraîna dans ce monastère perdu près de la mare,
En cette mare nageait un splendide canard
       
Il lui montra le ménisque et lui dit : « A genoux !
Cette relique exaucera tes vœux pieux les plus fous
Si ta bourse pleine d’écus tu jettes dans la mare »
En cette mare nageait un paisible canard.
       
Le brave homme obéit et jeta tout son or,
Prit son arc et ses flèches et souffla dans son cor.
Sur-le-champ il partit quérir quelque gibier
Saint-Eustache le béni l’aurait-il soulagé ?
       
Le chasseur rencontra, au détour d’un chemin,
Une horde de gueux, d’infâmes malandrins…
« Donne-moi malheureux, le trésor de la mare ! »
En cette mare nageait un splendide canard.
       
« Messeigneurs je crois bien que vous vous méprenez,
Il n’y a guère qu’un vieux prêtre et un ménisque sacré.
Il n’y a point de trésor aux tréfonds de cette mare ! »
En cette mare nageait un paisible canard.
       
Les brigands dépités passèrent donc leur chemin,
Le laissant nu et seul, attaché à un pin.
S’enfonçant à leur tour dans les bois enchantés,
En quête de la relique, ce ménisque sacré.
       
Une troupe hétéroclite de serfs et chevaliers,
L’affranchit de ses liens, de la pointe de l’épée.
« As-tu vu un faux prêtre vivant près d’une mare ? »
En cette mare nageait un splendide canard.
       
« C’est un vil sacripant, qui nous a tous promis,
Sur l’ménisque d’un Saint, une gibecière garnie.
On a donc tous jeté une bourse d’or dans la mare. »
En cette mare nageait un paisible canard.
       
« Il nous a tous trompés, il n’y a guère de gibier,
En ces lieux silencieux qu’on prétend enchantés.
C’est d’un pal au parmi qu’on traite les imposteurs !
Joins-toi à nous, ô frère, ô malheureux chasseur ! »
       
Les armées bafouées au monastère trouva,
Le vieillard cloufiché sur une croix en bois,
Des bandits affairés à fouiller dans la mare,
En cette mare nageait un splendide canard.
       
Le ménisque sacré, accroché à son cou,
Leur chef exaspéré les exhorte comme un fou,
A tirer leurs épées pour défendre la mare,
En cette mare nageait un paisible canard.
       
La morale de l’histoire, vous l’aurez bien compris,
Peu importe les méchants, peu importe les gentils,
A trop chercher ailleurs ce qu’on a sous les yeux,
On y laisse ses plumes, on y laisse ses œufs…
       
Il était une contrée, à mille et une lieues,
Il était une forêt, presque oubliée de Dieu,
N’était-ce donc ce charnier, pourrissant près d’une mare,
En cette mare nageait un paisible canard.

(Le Saumon De La Connaissance)

       
L’Oiseau de Malheur II
       
Le vieux juif est traîné par le peuple furieux,
A défaut de jurés, jusqu’en place publique
On l’attache au bûcher, on y boute le feu
Au ciel monte la fumée, l’on entonne des cantiques
La fillette éveillée par l’odeur de graillon
Sort de son lit douillet et enfile ses haillons.
Quand elle voit sur la place cet immense brasier
Elle questionne les passants « Que s’est-il donc passé ? »
       
« C’est l’oiseau de malheur qu’a maudit not’village »
« C’est aussi l’malandrin qu’a navré ton visage ».
Elle remercie ses hôtes pour les soins prodigués
Et leur demande enfin où trouver le curé
« Nostre père est parti ce matin au levant,
Il a dit au bourgmestre qu’il était mécontent,
Et qu’il allait prêcher chez les plus malheureux,
Là-bas dans la vallée, c’est à près de dix lieues. »
       
Lise donc s’en retourne, en quête d’une caravane
Qui s’en va en ces lieux désolés et profanes.
Elle trouve des pèlerins aux allures de lépreux
Dont l’chariot plein de vivres est tiré par quat’ bœufs.
L’équipage fait route vers ces terres lointaines,
Par-delà les forêts, ces contrées incertaines,
Où l’on parque la misère en des grottes obscures,
Les parias, apostats, amants contre nature…
       
Une troupe dépenaillée, portant croix au poitrail,
De quelque terre promise, revenait d’une bataille
N’ayant de leur périple, tiré aucune gloire,
Ils fondent comme un seul homme sur la petite troupe,
Y voyant l’hérétique, le maure ou le cathare.
Lise seule, la pauvrette, parvient à fuir le groupe.
Elle arrive, vaincue, en des terres familières
Epuisée, nuitamment, elle rejoint sa chaumière.
       
A sa joie, elle constate que sa mère est debout
Bien portante, près du prêtre, tandis que son époux
Plie bagages et affaires et charge un attelage
« Dévêts-toi ma chérie » fait-elle « Tu es en nage »
Elle lui tend une chemise et un bol de lait frais
La petiote le boit, la petiote se dévêt…
Sitôt prise de vertiges, elle trébuche et s’écroule,
Dans un sommeil sans rêves, heures et minutes s’écoulent.
       
C’est une vive douleur qui lui ouvre les yeux :
La douleur d’un poignet que l’on perce d’un pieu.
Elle entend le vieux prêtre qui essaie d’arrêter
La paternelle main qui empoigne un maillet :
« Pourquoi donc sur cette porte crucifier cette enfant ? »
« O Mon père, c’est ma fille, la cause de ma douleur,
C’est le diable, la peste, c’est l’oiseau de malheur.
Christ est mort sur la croix, je crucifie Satan. »
       
Le bon prêtre, séduit par la pâle nudité,
De cette presque-femme, marquée par le pêché,
Lâche la main vengeresse de ce père outragé,
Il détourne le regard et se met à chanter :
« Dieu de miséricorde ! Prends pitié de son âme ! »
« Dieu de miséricorde ! Epargne-lui les flammes ! »
Et le père, de sa fille, saisit l’autre poignet
Et le cloue d’un autre pieu sur la porte rouillée.
       
Soudain descend du ciel une étrange rumeur
Le visage de Lise grimaçant de douleur,
Déchire ses cicatrices à la vue des oiseaux,
Qui noircissent le ciel, annonçant le Fléau,
Qui apporte la mort, écrira le mot « FIN »,
Lise, à gorge déployée, comprenant son destin,
Rit à la face du monde, rit à la face de Dieu,
Rit de toute son âme, et les yeux dans les cieux…
       
(Rires démoniaques et hystériques)

(Le Saumon De La Connaissance, toujours sur une idée de Trublion 23)